Financement public de l’enseignement privé

lundi 26 août 2024


Les nombreux et scandaleux dysfonctionnements révélés par la presse à propos du collège Stanislas ont déclenché la mise en place d’une commission parlementaire qui a rédigé un rapport sur le financement public de l’enseignement privé. Les rapporteurs, Paul Vannier et Christopher Weissberg, appartiennent respectivement aux groupes LFI et Renaissance.

Que contient ce rapport ? Rien que nous n’ayons déjà dénoncé à notre niveau, à savoir :

– la quasi absence de contrôle au niveau financier et budgétaire des établissements privés,
– l’opacité sur les financements et les montants qui bénéficient à l’enseignement privé,
– la ségrégation scolaire pratiquée par les établissements privés au détriment de l’enseignement public,
– les faibles contreparties consenties par l’enseignement privé en échange du financement public,
– les heures fictives du personnel de direction,
– l’absence de sanctions même dans des cas graves comme à Stanislas,
– la sélection des élèves sur des critères opaques.

Ce rapport a rendu furieux le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique (SGEC), instance dirigeant le réseau des établissements catholiques.

Ainsi, par la voix de son secrétaire général, P. Delorme, le SGEC dénonce les propositions du rapport qui « veulent la faillite de l’enseignement privé », entre autres avec la conditionnalité des subventions facultatives versées par les collectivités territoriales aux établissements privés.

Qu’en est-il ? Les collectivités territoriales peuvent financer jusqu’à un seuil de 10 % des dépenses des établissements privés sans qu’aucune condition ne soit posée. Ainsi, les collectivités peuvent subventionner les établissements de leur choix sans aucun critère social et ainsi renforcer la ségrégation en marche dans l’enseignement. Phénomène de non-mixité scolaire que le secrétaire dénonce alors qu’il refuse dans le même temps la proposition qui pourrait permettre d’y remédier. Le double discours en action : dire une chose et en promouvoir une autre.

En effet, pour aller vers une plus grande mixité, le SGEC a signé l’année dernière un protocole avec le ministère. Mais ce protocole n’a aucun objectif chiffré et est non coercitif ! En clair, ce n’est donc que de la poudre aux yeux. Car si le SGEC voulait vraiment lutter pour la mixité scolaire, il aurait accepté des objectifs clairs, quantitatifs et qualitatifs, et accepté des moyens de coercition dans le cas où ces objectifs ne seraient pas atteints.

P. Delorme explique la diminution de la mixité sociale dans les établissements privés à Paris par la hausse des prix de l’immobilier. Ce qui signifie que les familles ne peuvent plus payer les frais de scolarité car le loyer accapare une grande partie du budget familial. Mais les établissements privés catholiques mettent-ils en place un système de tarification sociale pour prendre en charge les familles ? Non, très peu d’établissements ont mis en place un tarif social. Donc, une fois de plus, le double discours du SGEC : se plaindre de la baisse de la mixité mais surtout ne rien faire pour l’augmenter.

Quand le rapport parlementaire évoque le peu de contrôle financier et budgétaire dont font l’objet les établissements privés (en moyenne une fois tous les 1 500 ans), le secrétaire demande plus de contrôles de la part de l’État, lui qui a accepté durant son passage à l’académie de Créteil qu’un établissement dépense en frais de missions et réceptions (en clair : le champagne et les petits fours) plus que la ville de La Rochelle (75 000 habitants). Encore une fois, dire une chose et faire son contraire ! P. Delorme demande plus de contrôles mais, quand le rapport parlementaire propose que les établissements privés donnent clairement leurs critères d’inscription, il crie au « flicage ».

Nous pouvons aussi citer le cas des heures fictives du personnel de direction évoqué dans le rapport parlementaire. Nous-mêmes connaissons des cas concrets de personnels de direction ayant des heures d’enseignement payées par le rectorat alors qu’ils ne les fonts jamais. Cela, le SGEC et le rectorat le savent mais les représentants des chefs d’établissements préfèrent nous accuser de diffamation en pleine réunion au rectorat plutôt que de faire respecter la loi.

Un autre exemple du deux poids deux mesures concerne le Pacte enseignant. Les établissements publics doivent obligatoirement utiliser leurs parts fonctionnelles en priorité pour le remplacement de courte durée, ce qui n’est pas le cas des établissements privés.

Pour finir, on peut aborder le cas du collège Stanislas qui, malgré de graves dysfonctionnements qui bafouaient le contrat d’association signé avec l’État, n’a pas vu ce contrat annulé. Cela montre l’impunité dans
laquelle certains établissements œuvrent. À l’inverse, nous pouvons constater que, malgré de bons rapports d’inspection, le lycée Averroès à Lille a vu son contrat annulé pour des motifs qui auraient pu faire cesser le contrat de nombreux autres établissements d’autres confessions. Le deux poids, deux mesures à l’œuvre ?

Ce rapport parlementaire aurait pu permettre de réfléchir à la remise à plat des missions de services publics réalisées par l’enseignement privé sous contrat, en conditionnant son financement public à une implication réelle dans la mixité sociale. Mais le SGEC est vent debout pour préserver ses privilèges, à savoir continuer à choisir ses élèves tout en réclamant de plus en plus de financements publics, et rate ainsi l’occasion d’inscrire l’enseignement privé dans une démarche citoyenne et sociale.

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